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L’ascension du M’goun (3 jours)

L’idée de monter le M’goun a émergée à l’été 2016 lors de la préparation de notre voyage au Maroc. Je voulais faire découvrir à plusieurs de mes ami(e)s ce magnifique pays. Je cherchais alors une randonnée à la fois pas trop longue (nous n’avions que 15 jours pour tout le séjour).

J’ai alors pré-selectionné l’ascension du Toubkal (plus haut sommet du Maroc à 4 167 m) et celle du M’goun (4 071 m). Bien que le premier soit plus haut, l’ascension est plus aisée et présente surtout l’inconvénient d’être une vraie autoroute. Nous avons donc assez naturellement opté pour le M’goun.

Avant de vous lancer dans une randonnée au Maroc, il faut savoir que malgré la beauté du paysage ce sport reste encore balbutiant dans le pays. Vous ne trouverez par exemple aucun balisage ou indications sur le parcours. Vous ne trouverez pas non plus de points d’eau potable à disposition et très peu de refuges (hormis sur le Toubkal). La plupart du temps, il est préférable de faire appel à un guide. J’en connaissais un très expérimenté qui avait déjà effectué l’ascension. Il était disponible sur nos dates mais m’a en revanche indiqué qu’il était obligatoire que nous prenions des muletiers et des mulets avec nous. Malgré mon insistance pour porter nos bagages, lui expliquant que nous étions des randonneurs expérimentés, il est resté inflexible.

#0 – Marrakech – Kelâat M’Gouna – Départ de la randonnée

Notre guide nous avait donné rendez-vous à Kelâat M’Gouna, en plein coeur du Moyen Atlas près de la magnifique vallées des roses. Pour vous y rendre, les guides proposent souvent de vous affréter un taxi. Nous avions loué une voiture et avons donc pris la route.

J’avais gardé le souvenir d’une route de montagne horrible mais de nombreux travaux on été réalisés et la route est très agréable. Comptez malgré tout 5h de route depuis Marrakech. Nous sommes arrivés dans le petit village où le guide nous attendait avec le déjeuner dans un petit restaurant. Un très bon tajine plus tard, il était temps de changer de voiture : un 4×4 nous attendait pour nous amener sur le lieu de départ de la randonnée.

Nous avons donc fait nos sacs dans le coffre de la voiture en laissant toutes les affaires de plage avec nous et en prenant nos vêtements les plus chauds. Quand il fait 30° dehors c’est difficile de se dire qu’on aura besoin de nos gants… Mais l’avantage d’avoir des mulets qui portent c’est que dans la limite du raisonnable, on peut prendre un peu plus d’affaires que nécessaire.

Nous voilà partis pour 3h de 4×4 sur des routes comme qui dirait pas très homologuées. On roulait probablement moins vite que ne court Kipchoge mais on s’enfonçait dans des paysages magiques. Mise à part notre arrestation par le policier du secteur qui voulait s’assurer que l’on était bien accompagnés, nous n’avons pas croisé autre âme qui vive.

La route qui mène vers notre premier campement

Nous arrivâmes enfin au premier campement où nous attendaient les muletiers et mulets. Et comme le veut la tradition nous avons été accueillis sous la grande tente par un excellent thé. Il faisait encore jour donc nous avons décidé de faire une petite balade dans les environs. En avançant vers un village, nous avons croisé un enfant, puis deux, puis trois et avant d’avoir eu le temps de dire ‘ouf’ nous nous sommes retrouvés encerclés par une vingtaine d’enfants super contents de nous voir.

La Gazelle Pliable s’est alors transformée en professeure de Français. Je crois qu’ils n’avaient jamais été aussi attentifs en cours. En contre-partie elle demandait des traductions en berbère et fût étonnement assez vite à l’aise avec les mots de base.

Jocelyn le Hibou, quant à lui, scout émérite de son comté s’est alors lancé le défi de leur apprendre une comptine : « Lou La Lou La Lé ». Je ne sais pas qui des enfants ou de nous 4 avions le plus de mal à assimiler les consignes du Hibou. Après ce super moment passé avec eux, il était temps de rentrer pour dîner.

Comme nous nous y étions attendu, impossible de décrocher les enfants de cette attraction que nous représentions. Certains nous ont même demandé de leur donner des stylos.

💡 Le petit conseil : bien qu’il puisse être tentant de donner des stylos aux enfants, svp ne le faites pas !! Notre guide nous a expliqué qu’ils ne les utilisaient pas et les donnaient à leurs parents pour les vendre sur le marché.
Ce qu’il est préférable de faire si vous avez le temps est d’aller directement dans les écoles les donner. Vous serez alors surs qu’il seront utilisés à bon escient. Le mieux est évidemment de passer quelques minutes avec les enfants pour leur apprendre quelques mots de Français ou une chanson.

Une fois que notre guide a réussi à leur dire de rentrer chez eux, nous avons pu dîner. Cela a été un avant goût de ce qui allait nous attendre ces prochains jours : d’excellents tajines à déguster midi et soit (ça change de lyophilisé habituel).

#1 – Village départ – Bas du M’goun

Nous avons passé la nuit dans les tentes prévues pour nous (du très bon matériel : tentes Ferrino). Après un petit déjeuner au soleil, nous avons pris la route.

En quittant le village, nous avons recroisé nos amis qui étaient sur le chemin de l’école. Au moment où nos routes se sont séparées, je leur ai fièrement crié à plusieurs reprises « A3roum » en pensant que cela signifiait « Au revoir » en berbère. En les voyant tous éclater de rire, j’ai compris que je m’étais trompé. Hilare la Gazelle Pliable (bilingue depuis la veille) m’a expliqué que je leur avais crié « Pain » à plusieurs reprise. La rando commençait bien !

Nous marchions d’un pas rapide sur des sentiers assez faciles. On commençait à faire connaissance avec notre guide. Il avait beaucoup d’expérience mais nous a confié qu’il s’agissait de sa dernière ascension d’un 4000m car il avait subi une opération du coeur l’année précédente. Il nous rassura malgré tout en disant qu’il avait eu l’aval de son médecin.

Après quelques heures de marche, le guide nous a demandé de nous arrêter car il semblerait que nous avancions trop vite pour les mulets (c’était pas faute de l’avoir prévenu :D). L’avantage d’une randonnée avec un guide c’est que vous n’avez plus à vous préoccuper de rien : météo, vivres, … On s’est donc lancé dans des parties endiablées de Uno en attendant nos compagnons.

Une fois qu’ils nous ont rattrapés, nous avons repris la route et le guide nous a indiqué qu’on allait probablement écourter l’étape pour être plus à l’abri du vent qui devait souffler cette nuit là. Nous nous sommes donc arrêtés dans une bergerie pour la nuit. A nouveau : un excellent repas berbère à l’arrivée a transformé notre après-midi en une sieste géante au soleil. Mes amis qui s’attendaient à une randonnée où nous devrions nous rationner un minimum n’ont pas été déçus -> encore une preuve du légendaire sens de l’hospitalité marocain.

Une fois qu’on avait suffisamment grillé au soleil, nous sommes partis dans l’idée de nous doucher mais la température du ruisseau a très vite refroidi nos ardeurs : toilette de chat ce sera.

Nous devions partir assez tôt le lendemain donc nous avons décidé de nous coucher tôt, bien à l’abri entre les murs de la bergerie. Pour être en forme, on a fait « plus léger » pour dîner : spaghettis Bolognaise au programme.

#2 – Ascension du M’goun

Réveil vers 3h30 du matin. Malgré le confort relatif de notre bergerie, nous avions un peu la tête dans le pâté. Nous avons pris un petit déjeuner assez copieux car nous savions qu’on n’allait pas manger avant plusieurs heures.

💡 Le petit conseil : le lait en poudre c’est bon mais il ne faut pas en mettre trop… Je l’ai malheureusement appris à mes dépends ce jour là.
Voulant avoir de l’énergie j’ai été un peu trop généreux sur la poudre. Au début pas de souci, mais à votre avis qu’arrive-t-il au lait en poudre à mesure que l’on boit de l’eau pendant la rando ? Je vous le donne dans le mile : ça gonfle…
Pendant la première partie de l’ascension j’avais le ventre d’une femme enceinte de quatre mois.
Je peux vous dire que j’étais un peu moins aérien qu’à l’accoutumée, ce qui m’a évidemment attiré les railleries de Damien.

La première partie de l’ascension s’est donc faite de nuit. Pour la première fois du voyage nous avons mis une autre couche au dessus de nos t-shirts car l’étape s’annonçait assez fraîche. Les champions de la préparation que sont Damien et Jocelyn ayant oublié leur frontale nous avons adopté la formation suivante : Gazelle Pliable – Hérisson – Poisson – Hibou – Lièvre (oui je n’avais pas encore totalement récupéré de mon petit dej).

Après deux heures de marche, le soleil commençait à poindre et la Poisson s’est régalée sur les photos au petit jour.

Pour la première fois nous pouvions apercevoir notre objectif final. Nous étions seuls au monde, une sensation qu’il est très difficile de retrouver sur les sentiers de randonnée en Europe qui sont souvent plus fréquentés. On a pris le temps de profiter de ces paysages avant d’entamer la « vraie ascension. »

Finis les maux de ventre, je suis comme à mon habitude parti pleine balle sans attendre les indications de notre guide. Et il ne m’a pas fallu 10 min avant de faire ma première connerie. Au lieu de suivre le sentier j’ai tenté de gravir le pierrier sur la gauche pour raccourcir le trajet. (N’oublions pas la devise du lièvre : “Si tu ne sais pas par où passer, fonce tout droit là où il y a le plus grand dénivelé !”« ).
Derrière moi je vois Joc’ qui s’arrête en regardant interrogateur notre guide qui loin d’être perturbé par ma trajectoire lui dit de continuer tout droit. Moi, en revanche, je pouvais toujours me brosser pour qu’il me dise s’il fallait que je revienne sur le sentier…

Nous nous sommes rejoins juste avant d’atteindre l’arrête menant au sommet. Une petite pause s’imposait. Le sentier n’était pas particulièrement difficile mais l’altitude et surtout le vent glacé commençaient à tirer sur les organismes. Serrés les uns contre les autres derrières à l’abri d’un rocher, le guide nous explique que la température et le vent vont significativement se renforcer lorsque nous serons sur l’arrête.

Nous qui étions venus au Maroc avec trois shorts et deux t-shirts on était clairement pas assez équipés pour affronter ce qui nous attendait.

Plus nous progressions le long de la crête, plus le froid nous gelait les extrémités. Malgré nos gants (de mi-saison faut pas déconner) nous avions les doigts gelés

💡 Le petit conseil du Hérisson : lorsque tu n’as pas de quoi protéger les mains, rien ne vaut la chaleur de caleçon pour les réchauffer.

Grâce au conseil du Hérisson, nous progressions les mains « collées au corps » tels les héros de la marche de l’empereur. Je peux vous assurer que nous n’avancions pas très vite. Enfin nous avancions toujours bien plus vite que notre guide qui n’a pas trouvé meilleur moment pour commencer à se sentir mal. Heureusement pour lui, notre Gazelle Pliable nationale avait adopté une stratégie simple depuis le début de l’ascension : suivre les pas de notre guide au centimètre près. Il lui est par conséquent arrivé à plusieurs reprises de devoir redresser Ahmed qui penchait dangereusement sur la crête à chaque rafale de vent.

Plus nous montions en altitude moins notre guide se sentait bien (merci le cardiologue qui a donné son aval…). C’est à se moment qu’une scène surréaliste arriva : Ahmed s’affala à plat ventre sur un rocher au bord du sentier sans rien dire. L’inquiétude montait clairement dans nos rangs. Alors que les muletiers étaient des kilomètres plus loin dans la vallée, nous nous sommes rendu compte qu’on ne saurait pas trop comment réagir s’il était pris d’un réel malaise. A la question : « On fait quoi si tu as un malaise », il nous a donné une réponse tragi-comique : « Appelez l’ange de la mort ». Après avoir avalé quelques carrés de chocolat, il semblait aller mieux et a insisté pour continuer notre route.
A 4 020m d’altitude on apercevait le sommet qui était un peu plus loin mais la Gazelle Pliable, la Poisson et le Hibou préféraient entamer leur descente avec le guide. Le Hérisson et moi soutenions mordicus qu’être à 50m du sommet ce n’était pas vraiment le sommet. On a donc décidé de concert de terminer l’ascension en courant. Bon pour être tout à fait honnête à 4000m tu n’as plus tes jambes de 20 ans. Nous avons malgré tout atteint le sommet assez rapidement pour y trouver des drapeaux de plusieurs pays – et un drapeau breton évidemment. Après quelques photos rapides on est rapidement repartis car le vent n’avait pas faibli.

Il nous fallait rattraper nos amis qui avaient entamé la descente depuis une bonne demi-heure.

💡 Le petit conseil du Lièvre : quand vous voulez descendre vite dans un pierrier large, mettez tout votre poids vers l’arrière et courrez en plantant les talons en premier (adieu les amoureux de la foulée medio-pied 😭)

Dans la vidéo en dessous, vous pouvez voir une superbe démonstration du Hérisson qui dévale la piste à grandes enjambées.

Une fois arrivés au campement où nous attendaient les muletiers, nous avons profité de la fin de la journée en jouant aux cartes et en sirotant notre thé.

#3 – Escapade dans la vallée

La dernière journée de notre périple devait nous amener à traverser des paysages bien différents de ce que l’on avait pu voir jusqu’à présent.

Après quelques kilomètres à descendre dans la vallée, on est tombé sur un coin pour « se baigner ». Ni une ni deux, la Poisson s’était déjà trempée comme si de rien n’était. Pour ma part, pas habitué pour un sou à ces températures glaciales, j’ai hésité plusieurs minutes. J’ai été alors convaincu par un argument implacable du Hérisson : « Je parie que tu n’es pas cap ». Evidemment ça n’a pas loupé j’ai chopé la crève pour le reste du séjour.

💡 Le petit conseil du Hérisson : pour faire sécher les vêtements en rando, rien de tel qu’un bâton télescopique.

Heureux de notre baignade, nous reprenions la route avant d’arriver dans un village pour déjeuner. C’était la première fois depuis deux jours que l’on voyait d’autres humains. Après une (vingt) partie(s) de Uno nous avons déjeuné (encore un excellent Tajine). C’était la première fois de nos vies que l’on prenait du poids en rando.

Afin d’arriver au village qui marquait la fin de notre marche, nous avons longé la rivière sur plusieurs kilomètres. Les paysages très secs avaient laissé place à de la verdure à perte de vue. En trois jours c’était comme si nous avions changé de pays à plusieurs reprises.

Enfin nous atteignîmes le village d’arrivée. Comme à l’accoutumée, des enfants nous ont vu de loin et se sont précipités pour venir nous voir. Une petite partie de foot nous a permis de terminer la randonnée comme on l’avait commencée : avec des enfants.

#4 – Retour à Kelâat M’Gouna

Un mini bus nous attendait le lendemain matin pour repartir à notre point de départ. Un dernier déjeuner avec notre guide et nous partîmes vers de nouvelles aventures.

Informations pratiques !

  • Période de l’année : mai
  • Équipement : sac de couchage (et c’est tout…)
  • Alimentation : tajines marocains midi et soir

Bilan

Difficulté : La note du lièvre 5.5
Parcours : paysages, faune, flore, dépaysement... 10

En résumé

7.8 Une magnifique randonnée que je conseille à tout le monde. De niveau pas particulièrement compliqué, les seules difficultés résident dans la gestion de l'altitude (pas de souci de notre côté) et du froid. Prenez un guide qui s'occupera de tout pour vous et vous marcherez l'esprit léger et le ventre plein. Ca fait plaisir de temps à autre de ne pas se soucier de la logistique et d'avoir un sac léger.

Tags : En tenteHaute montagneModéréTrek